La rencontre entre un univers factice en quête de valeurs et les représentants de vraies (?) valeurs véhiculées par la personnalité. Ou en quoi cette rencontre a-t-elle amené à introduire du réel dans le factice (la personnalité dans le marketing) et du factice dans le réel (le marketing autour de la personnalité) ?
Pour l'Universitaire Américain Alan Meyer, «la meilleure des publicités est un bon produit ».
De fait, jusqu'au début des années 70, la publicité centrait son message sur le produit qu'elle voulait vanter et sans un bon produit, aucune publicité ne pouvait parvenir à générer plus de chiffre d'affaires. La publicité restait bien «l'art de faire connaître un produit, une entreprise, etc., afin d'inciter les consommateurs à acheter ce produit, à utiliser les services de cette entreprise, etc.. » .
Pourtant, la société a subi deux évolutions majeures qui, en la transformant, ont profondément fait évoluer la publicité et le métier de publicitaire.
En effet, la crise économique de 1973 a mis fin aux rêves de taux de croissance perpétuels tels qu'on avait pu le connaître pendant les Trente Glorieuses. On est alors passé d'une société d'abondance à une société de relative pénurie. Plus encore, les années 70 signent, à l'inverse de cette première tendance, l'apparition d'un nouveau type de consommateurs dont les besoins premiers sont de plus en plus satisfaits. Le consommateur devenant à la fois plus informé donc plus apte à se défendre face aux sirènes de la publicité mais également plus exigeant face à une offre accrue de produits peu différenciés. En même temps, les événements de Mai 68 et les années 70 ont semblé marquer la fin de certaines idéologies et symboliser le passage d'une société moderne à une société postmoderne.
La société moderne issue de la Révolution, marque une rupture par rapport aux sociétés traditionnelles en consacrant les Lumières au cœur de la citoyenneté et ce, pour chaque individu. La modernité reste encore le domaine des idées, des valeurs censées être transcendantales à l'homme et s'imposant à lui.
Avec l'avènement d'une société postmoderne, les individus subissent une sorte de désenchantement face aux grands principes qui façonnent le monde. A cet égard, l'ensemble des valeurs qui structurent la société tend à être mis sur un même pied d'égalité. Aucune valeur n'ayant l'ascendant sur l'autre, le plus important est d'être soi-même, ce qui conduit à une forme d'éclatement des personnalités et des groupes sociaux qui rend l'analyse de la personnalité des individus plus complexe à saisir.
Dans ce cadre, l'évolution de la société a révolutionné le métier de publicitaire dont les techniques se sont détachées du produit pour cibler les personnalités des consommateurs. L'objectif étant, dans un marché où l'offre est abondante, de créer un attachement à la marque autour de valeurs communes. Les seuls représentants crédibles pour véhiculer des valeurs dans nos sociétés étant, à bien des égards, les stars, la rencontre entre ces dernières et la publicité scelle concrètement l'évolution définitive des mass media vers le marketing de la personnalité. La publicité a investi le champ culturel en représentant et en créant de nouvelles valeurs.
Or, face au vide idéologique des sociétés postmodernes, la publicité ne tend-elle pas aujourd'hui à devenir l'unique moteur de création culturelle ? Parvient-elle d'ailleurs, au delà de la représentation statique de nos idées, à créer des valeurs totalement nouvelles ? Cette publicité qui axe de plus en plus sa stratégie sur le marketing de la personnalité, a-t-elle même la légitimité pour investir le champ des valeurs ?
Plus encore, lieu du faux et du fictif par excellence comment la publicité peut-elle revendiquer le pouvoir de représenter objectivement et par l'image nos valeurs les plus profondes ? S'il est clair que la publicité et les mass médias ont aujourd'hui une place prépondérante dans nos cultures, comment expliquer leur succès ?
Surtout, il faudra voir comment, après avoir été influencée par l'évolution de la société, la publicité en se transformant a amené en retour à une évolution de la société elle-même.
Le présent mémoire se propose d'analyser cet échange perpétuel entre publicité et société : la société évolue ce qui fait évoluer la publicité (I) et cette transformation amène en retour à une transformation de la société elle-même
Ces influences réciproques entre publicité et société sont-elles dangereuses ? Comportent-elles des effets pervers ?
Au demeurant, cette relation n'est-elle pas la preuve que notre société actuelle est, à bien des égards, une « société de spectacle » ? (II)
[...] "Le consommateur a pris le pas sur le produit."[12] Toute communication est désormais axée sur le consommateur, pensée en fonction de ses besoins (psychologiques pour la plupart), de ses désirs et de ses réactions face aux stimuli publicitaires. C'est ce qui explique que le produit prend une autre dimension, une valeur nouvelle. Il est ce qui contribue à assouvir le désir du consommateur, l'objet qui remplit le manque évoqué plus haut, qui comble le vide éprouvé par l'individu tant qu'il n'a pas obtenu l'objet de sa convoitise. A travers le produit, ce sont certaines idées et certaines valeurs qu'acquiert le consommateur. [...]
[...] Finalement, en devenant postmoderne, elle arrive enfin à nous représenter mais elle prouve également que le marketing objectif de la personnalité n'existe pas dans les sociétés postmodernes. L'échec et la chute de cette société du spectacle viendront sûrement le jour où, elle finira par croire qu'elle est objectivement détentrice des valeurs suprêmes, oubliant que son succès s'est surtout forgé sur sa sincérité quant à son incapacité et à ses lacunes à nous représenter. Son idéologie deviendra alors totalitarisme et son aveuglement causera sa perte. [...]
[...] En ce sens, le vide culturel actuel ne lui serait en aucun cas inculpable. Par ailleurs, une véritable innovation remet en cause les habitudes, les principes et les stéréotypes ancrés dans une société. Or, la fonction de la publicité étant de donner un sens, un statut, et une image positive dans l'ordre des choses, si elle n'a pas le pouvoir de créer de nouveaux besoins, il lui revient de greffer l'innovation sur un désir latent mais dynamique, de la rattacher à des attentes émergentes, de lui associer un mode de vie et de pensée, une image de soi Selon cette thèse, la publicité servirait alors de révélateur et d'accélérateur à des tendances jusque là sous-jacentes mais néanmoins en gestation active. [...]
[...] La deuxième facette de la marque décrit sa personnalité. Dès l'instant où une marque joue le jeu de la communication publicitaire, elle acquiert un caractère, une personnalité. Dans l'attitude qu'elle adopte pour parler de ses produits, les présenter, vanter leurs mérites chacun pourrait y voir en filigrane un personnage, un peu à la manière des portraits chinois. Si la marque était un animal ce serait si c'était une couleur, ce serait C'est dans cette perspective de construction de personnalité que, dans les années 70, de nombreuses marques se sont créées sur mesure des personnages stéréotypés, destinés à conférer une dimension historique et culturelle aux produits modernes en les ré enracinant dans une tradition. [...]
[...] La publicité a tout envahi, désormais tout est objet de réclame. Aucune activité, même et surtout, publique ne saurait échapper à cette obligation qui est l'un des aspects les plus spectaculaires des sociétés opulentes. Il apparaît bien que plus qu'un moteur culturel, la publicité est avant tout devenue le moteur unique de création culturelle, ce qui a décuplé son influence. En effet, nombre de marques profitent du vide idéologique ambiant pour donner leur point de vue sur la vie et le rôle de l'individu dans la société. [...]
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