Alexis de Tocqueville considérait que liberté et égalité étaient deux concepts amenés, à terme, à se détruire l'un l'autre, la recherche d'égalité à tout prix pouvant se traduire par un abandon corrélatif d'un certain nombre de libertés, ou au contraire la liberté absolue révélant les inégalités de fait entre chacun. Et l'auteur de la démocratie en Amérique ne se trompait pas lorsqu'il prétendait qu' « ils (les Français) veulent l'égalité dans la liberté et, s'ils ne peuvent l'obtenir, ils la veulent encore dans l'esclavage » : la seule réalité actuelle réside sans doute dans la quête irraisonnée d'égalité, au point de ne pas craindre d'y laisser, en contrepartie, une part, si ce n'est sa liberté tout entière. Une chose est certaine : la recherche d'égalité matérielle est aussi illusoire que vaine, et elle prive l'individu de sa plus grande liberté, celle de sa particularité.
Aussi, c'est fort mécaniquement que les préoccupations des populations, notamment en France, ont basculé vers la garantie, d'une part, de l'égalité, et d'autre part, parce qu'elle en constitue l'aboutissement, de la sécurité : l'égalité absolue de tous se matérialise, à terme, par une sécurité égale pour tous. Nouvelle valeur de société, parfois au cur des enjeux électoraux, la lutte contre l'insécurité se présente comme une facette actualisée du droit pénal. Celui-ci, à l'image de la nature humaine, évolue au gré des civilisations et s'adapte à la conscience de fondements moraux établis, dans une société donnée, à un moment donné.
Or aujourd'hui, le concept d'insécurité semble synthétiser les attentes de l'opinion commune, dans bon nombre de domaines. Cette notion n'est pas seulement en effet un sentiment de peur face à une agression sur sa personne ou sur ses biens, mais plus généralement « le sentiment fait d'anxiété ou de peur que peut ressentir un individu ou une collectivité devant ce qui peut advenir ». Elle peut donc tant être associée à une infraction pénale, qu'aux dérèglements économiques et sociaux majeurs qui frappent les nations en ce XXIe siècle.
C'est l'expression d'une crainte dans l'avenir, proche ou lointain, due à l'instabilité grandissante qui règne dans les diverses sphères de la vie d'une personne, qu'il s'agisse de son environnement immédiat, de sa famille, de son travail, ou de la sérénité économique de son patrimoine.
Face à ce postulat initial, il convient d'orienter le curseur du côté de l'évasion de capitaux. Celle-ci se définit comme l'exportation, souvent clandestine, ou le maintien à l'étranger, de capitaux que leur détenteur souhaite soustraire à la politique économique ou fiscale de son pays. De manière pragmatique, elle correspond à une logique d'exploitation des possibilités de circulation de capitaux à travers les frontières pour empêcher que ces fonds ne soient localisés dans leur Etat de provenance, ou localisés tout court.
L'évasion de capitaux se distingue de l'évasion fiscale : cette dernière est le fait d'un contribuable qui parvient, par des moyens légaux, à ne pas payer l'intégralité de l'impôt qu'il devrait. En ce sens, l'évasion fiscale ne peut être assimilée à une fraude fiscale, matérialisée par un acte de soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt : le fait de profiter des failles des systèmes législatifs ne peut entraîner la qualification de soustraction frauduleuse, puisqu'il est en tout point conforme à la loi. Évidemment, ce contournement s'opère par transfert et donc évasion de capitaux : en ce sens, toute évasion fiscale constitue intrinsèquement une évasion de capitaux. Toutefois, une évasion de capitaux n'est pas nécessairement pratiquée à des fins fiscales : la fuite des fonds peut s'avérer utile dans des transactions de blanchiment d'argent, ou pour masquer la situation financière de certaines sociétés, en reportant les pertes sur le bilan de sociétés du même groupe situées à l'étranger. Si l'avantage fiscal peut représenter un gain supplémentaire, c'est avant tout l'opacité qui est recherchée.
En réalité, l'évasion de capitaux est un comportement complexe à appréhender : hormis les cas où elle est associée à la commission d'infractions, elle ne saurait, en soi, être considérée comme délictueuse. Elle n'enfreint aucune disposition légale, mais s'apparente dans les faits à un contournement des règles. Si la morale la réprouve, elle demeure cependant difficilement répréhensible, d'autant qu'elle touche un domaine imprégné de la logique capitaliste, le droit des sociétés. En effet, il parait peu envisageable d'incriminer une simple intention, aussi vile soit-elle, en l'absence de transgression d'une prescription explicite, et ce dans un système fondé sur la propriété privée des moyens de production, régulé par le marché et qui repose sur la recherche de profit.
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par notre comité de lectureUne entreprise dénommée JOJO & FILS créée le 1er février 2015, inscrite au RCCM...
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Le terme "logistique" a été emprunté au domaine militaire et concerne la gestion des flux d'approvisionnement, de stockage et du transport des biens.
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